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Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/382

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la fenêtre, serait-il capable de m’oublier ?… Cela dure trop !

À cette heure, absolument douce, faite des tendresses de toute la création, elle aima son amant comme elle ne l’avait jamais aimé. Puis, écartant les rideaux du chevet, elle examina son malade.

Le baron avait l’œil brillant, les narines dilatées, il agitait, d’un mouvement sénile, ses mains devenues osseuses.

— Je t’aime bien ce soir, mignonne ! marmottait-il, et sans ces diables de jarrets qui me manquent, je te prendrais de force !

N’ayant plus que son désir abominable fixé sous son crâne, il ne savait plus ni où il était ni où il irait, heureux que la femelle de ce beau printemps fût là, sa femme, sa Mary mignonne, brune comme la splendide nuit, avec ses beaux yeux d’un clair d’acier, une double étoile d’amour, et il se tuait en d’ignobles extases.

— Je souffre bien ! bégaya-t-il, essayant de toucher au moins sa robe, mais elle se dégagea, laissa retomber le rideau. Elle prit une tasse de lait, la sucra en y ajoutant quelques gouttes d’un flacon d’or et une poudre. À ce moment même, Paul pénétrait dans leur chambre rose ; il en fit le tour d’un regard rapide et, n’apercevant point sa maîtresse, il alla droit à l’appartement de son père. Il ouvrit la porte avec précaution. Mary, distraite de l’œuvre qu’elle accomplissait, se redressa : elle fut effrayée par les prunelles de braise du jeune homme ; il tremblait de