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Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/389

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était peut-être excusable en son génie malsain, mais que penser de ces imbéciles, suivant à la file avec leurs quartiers de chair et, forcément, il en transpirait des racontars d’égout salissant leurs tristes gloires. On devinait que le dépeçage leur était suggéré par leur peur atroce d’être découverts. Ils ne faisaient pas cela pour l’amour de l’art…

Mary se réveillait au soir, se demandant ce qu’on inventerait de neuf pour se distraire, et elle s’habillait avec le soin minutieux d’une jeune épousée.

Elle gagnait la trentaine, mais elle gardait sa beauté de créature qui a de la santé à revendre. Le blanc de son œil conservait la teinte nacrée qu’ont les regards de vierges, et cet œil, sans s’agrandir, devenait long, ressemblant au rictus railleur d’une bouche mi-fermée. Ses cheveux luisaient d’un éclat de pure sève, lourds, très rebelles, se détordant sans cesse, noirs à la revêtir d’une nuit sinistre. Sa pâleur dorée, accentuée par les veilles multiples, rendait tout le sang de ses joues au sang de son cœur, toujours froid pourtant, mais régulier comme une machine que rien ne doit enrayer.

Folle, elle l’était pour les passants qui la voyaient une heure ; mais l’épouvantable résultat des études que les intimes avaient faites sur son organisation affirmait le calme de tout son corps ; elle avait aimé, elle n’aimait plus, elle prenait des amants une semaine, puis les chassait.

Elle rôdait la nuit et dormait profondément le jour,