Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/13

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comme il adorait ça qui trottait devant lui, si décidé et si fier, ça, né dans les splendeurs de la capitale et témoignant d’une noblesse incontestable !… tandis que les Bartau, enrichis à force de lésiner, ne sachant pas faire faillite, tenus en brides par une maîtresse commerçante, la maman, une liardeuse et une ex-institutrice pleine de préjugés… les Bartau, ils n’étaient pas dignes de dénouer les cordons de ces minuscules souliers Molière ! Les Bartau ? des acheteurs de gruyère par obéissance, quoi !…

Près de la poterne du château, Louise demanda le gardien pour visiter les tours et l’intérieur qu’on réparait. Elle s’assit contre la margelle d’un vieux puits en jetant son ombrelle à terre, car elle ne se souciait plus d’avancer. Ce voyage de seconde lune de miel, qu’elle s’était promis si joyeux, lui semblait à présent désespérant à cause du fromage, et elle se croyait moins amoureuse de son mari parce qu’il voulait absolument le porter. Au lieu d’un gardien, il leur arriva une espèce de perche, vêtue de cachemire noir (toujours le reflet de la rue), et cette concierge, très cérémonieuse, s’enquit de leur nom.

— M. et Mme Bartau, de la maison Bartau (douves en chêne), de Tours, déclara Louis sur un ton qui n’admettait guère de réplique.

La concierge eut un sourire méchant.

— Vous voulez voir le château de Monseigneur ?

— Quel Monseigneur ? riposta Louis, s’imaginant souvent qu’il devait être républicain.

Alors, froidement, avec une inclination de la tête, la créature antique reprit :