Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/137

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mes, ça verrait une cerise sur un mât de cocagne !

La dame arrivait rapidement. Elle n’avait pas la tournure d’une provinciale, et quelque chose de bizarre se dégageait de son costume.

Elle portait une tunique de satin noir, très sévère de forme, bordée d’une frange de jais comme d’un torrent de gouttes d’eau. Svelte, mince, sa tête, devant dépasser toutes les autres têtes, était coiffée d’une toque de fourrure s’unissant à une merveilleuse chevelure brune. Une Parisienne, seule, pouvait paraître ainsi le front nu tout en ayant un chapeau. Jamais la provinciale ne saura sacrifier la richesse d’un paquet qu’elle se met sur les cheveux à l’harmonie de son visage. Cette femme-là savait, sans être belle d’une beauté ordinaire, se coiffer selon son type de louve. Elle se couronnait de fourrure avec une crânerie féline qui lui faisait pardonner son nez, en bec d’aigle, sa lèvre relevée par un rictus mauvais, ses yeux mi-clos et sombres, ressemblant à des yeux de chatte hystérique.

Elle avait, plié sur le bras, un magnifique manteau de loutre, dont l’envers double de satin violet, lançait des reflets d’améthystes. Son ombrelle, malgré le temps pluvieux, était en soie blanche fourmillante de dentelles crémeuses et légères. Cette note, très douce, vous étonnait au milieu de ce costume un peu funèbre, quoique d’une élégance incontestable. Et elle n’avait pas un bijou, pas une chaînette de montre, rien qu’une perle noire fermant le col, si luisante, qu’on la devinait dans l’étoffe, mais si noire, qu’on ne se doutait guère de sa miraculeuse valeur.