Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/148

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— Marie, cette manivelle moud-elle oui ou non du café ?

— Ma foi, monsieur, balbutia la vieille bonne qui avait un faible pour Tranet, je crois bien que oui… je pécherais si je disais le contraire. Vous en avez fourré par le toit et il en est sorti par la petite porte… mais la roue s’est démontée, alors… je n’ai pas vu la fin.

— Bravo ! Marie, s’exclama Tranet, vous venez de parler comme un ministre modéré ne parlerait pas. Nom d’un rabot ! Elle n’a pas vu la fin ! Comprenez-vous, monsieur le docteur ? Est-ce que nous savons la fin de la grande machine ? Peut-être qu’un jour elle moudra son café malgré sa figure de moulin à moudre le vent.

— Les gens d’Amboise ne sont pas encore là ! glissa Louis à l’oreille de sa mère. Une affaire manquée, je le crains. Il est dix heures.

— Monsieur Tranet, reprit-il tout haut, allez donc fermer le vitrage sur la rue, je vous prie, puisqu’on ne revient pas.

— Il faut attendre, riposta Tranet poursuivant son idée. Une machine qui manque de vin et d’argent ne peut rien moudre.

— Est-ce que vous faites aller vos moulins avec du vin, monsieur Tranet ? remarqua le docteur. Vous dépeuplerez la France dans toutes vos orgies d’ivrognes. Pourquoi les femmes sont-elles stériles ? Parce que vous buvez trop. Pourquoi vos hommes sont-ils libertins ?…

La tirade fut interrompue par le bruit d’une canne heurtant les vitres de la porte.

— Ce sont eux ! dit M. Bartau se levant.