Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/162

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et le lendemain, Louise, à la musique, avait rencontré la dame, on avait causé de la pluie d’octobre, du beau temps d’Amboise ; le père Tranet, un homme intrigant, s’était fait inviter avec sa fille pour une collation après la musique. Louise parlait de cette collation comme d’un festin digne des dieux.

Mme Désambres, depuis un mois, habitait une charmante petite maison blanche au bord de la Loire, derrière le chemin de fer. Un jardin en pente trempait des rosiers et des bouts de pelouse dans l’eau jaune du fleuve. Le salon chinois s’ouvrait sur une terrasse italienne ornée d’une balustrade de marbre délicatement travaillée. C’était l’ancienne demeure d’une cocotte. Aussi riche qu’un banquier, la cocotte avait fait bâtir ce bijou pour s’y retirer avec un garçon coiffeur qu’elle venait d’épouser, mais — le sort est souvent injuste — le garçon coiffeur était parti huit jours après ses noces, et la pauvre délaissée, revendant le nid à la hâte, avait regagné Paris pour y poursuivre l’oiseau turbulent. Mme Désambres dut seulement remeubler le petit hôtel qui lui semblait trop cocotte, prétendait-elle, pour une femme de son âge. Elle en avait fait une espèce de temple, très séraphique au dehors avec ses colonnettes de Carrare et ses grilles enguirlandées de bronze doré ; très mystérieux au dedans avec ses revêtements d’étoffes mousseuses de couleurs indécises ou très sombres. Le boudoir donnait le frisson, on y tremblait comme lorsqu’on entre dans une grotte humide. Les armes de la salle à manger vous stupéfiaient comme vous annonçant un danger quelconque, un piège éternellement tendu.