Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/174

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ser à son fils la gérance d’un commerce atrocement lourd ! De plus, retirer ses capitaux, les placer sur la tête du docteur par des manœuvres savantes, les déshériter de leur légitime bien. C’était navrant.

— Calme-toi, ma chère maman ! Voyons, ce pauvre Tranet n’est pas responsable de ses actes… tu le redresseras vigoureusement, et il ne le fera plus.

— Allons donc ! il inventera une sauce pour nous empoisonner, tu verras, mon petit ! Il faut qu’il se mêle de tout… et sa fille le conseille, sa fille le mène. Je ne suis plus la maîtresse chez moi. Marie l’écoute comme un oracle, de colles fortes en moulin à vent, il nous flanquera dans la tombe, toi, moi, le docteur, notre famille… je te le dis.

Pendant ce temps, Louise fuyait l’orage. Elle prenait une capeline, s’entortillait d’un châle et, par les rues détournées, se rendait à la villa de marbre. Une singulière audace lui était venue : la pauvrette qu’on humiliait jadis se défendait à présent, elle risquait des choses qui n’étaient pas de mise, et elle faisait des visites toute seule malgré les discours de maman Bartau. Le mari n’osait pas la gronder quand Mme Désambres trouvait qu’une jeune femme de vingt-deux ans peut sortir seule, et broder de jais sa confection de drap noir, elle ajoutait que si Louise aimait les gâteaux, on pouvait bien lui laisser manger ceux qu’elle lui offrait chez elle, attendu qu’ils ne coûtaient rien à maman Bartau, ceux-là. Louis subissait l’ascendant de cette étrange femme, en fermant les yeux sur les incartades de Louise.

Lorsque Mme Bartau jeune pénétra dans le