Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

VII

― Voyons, cher monsieur Tranet, expliquez-moi tout. Je peux vous tirer d’embarras s’il ne s’agit que d’une question d’argent.

Mme Désambres déjeunait devant un grand feu clair et le père Tranet, piteux, regardait d’un œil d’envie le vin blanc pétillant qu’elle se versait. Il était resté trois semaines dans un cabaret de la banlieue de Tours, faisant le métier de garçon d’hôtel, gagnant un franc par jour, sans vêtements convenables, les chaussures percées, la barbe et les cheveux en broussailles. Puis, n’y pouvant plus tenir, il avait eu une idée lumineuse comme celle de son ciel de lit : aller trouver la Parisienne pour lui demander un appui ; entre gens de même nation on doit tout risquer. Depuis qu’il avait quitté la maison Bartau il maigrissait et il mourait de soif. Si sa fille le voulait bien, aidée de sa grande amie, elle le ferait revenir chez ces sacrés avares. Quels êtres, mon Dieu ! Des richards qui liardaient comme des gueux et qui, pour un pauvre incendie de vieilles souches, l’avaient jeté dehors, malgré le froid de décembre, sans le sou.