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Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/191

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— Madame, soyez tranquille. Le père Tranet n’est pas un ingrat.

Le lendemain le grand inventeur se rendit à la maison Bartau. Il fut reçu par son gendre.

— Ah ! vous voilà, monsieur ? dit le jeune homme étonné. Nous pensions que vous étiez dans l’eau ! Votre fille vous pleurait déjà.

— Mon cher ami, fit Tranet haussant son ton ordinaire, avez-vous déjeuné ?

— Moi ! pas encore, balbutia Louis au comble de la stupeur, et pourquoi cette question ?

— Parce que je vous invite, jeune homme ; je connais des huîtres chez le restaurateur de la gare qui sont d’une jolie fraîcheur et ce vin de Joué… vous savez, je le trouvais âpre, maintenant j’y suis habitué, nous les arroserons d’une ou plusieurs fioles… Tapez-là ! le cours de la Bourse a remonté, et comme je n’ai pas de rancune…

— Il est fou ! se dit Louis abasourdi.

Mme Bartau, entendant causer dans les magasins, arriva.

— Vous, le pétroleur !… vous n’êtes donc pas mort ? cria-t-elle, furieuse.

— Moi-même, madame Bartau… moi-même avec cinq mille balles au fond de ma poche. Cinq mille francs pour parler tourangeau ! et je viens inviter toute la famille à déjeuner : un petit repas d’huîtres, ce sera mon cadeau de jour de l’an, bien que le jour de l’an soit passé. Je vous la souhaite.

Et, avant qu’elle ait eu la pensée de se reculer, Mme Bartau fut embrassée sur les deux pommettes.

— Monsieur Tranet, que signifie cette plaisanterie ? demanda Louis à bout de patience.