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Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/213

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dame parisienne, elle s’était composé une mine tout miel et tout sucre. Monsieur Tranet par-ci, Monsieur Tranet par-là… des coquetteries perturbatrices, enfin ! Elle lui avait fourré dans la cervelle de ne plus taquiner la Muse de l’invention, et, moyennant une pension modique, elle lui servait des repas splendides. Avec quinze francs par semaine, Tranet mangeait des épaules de mouton farcies, des omelettes au lard, buvait du café délicieux, et, par-dessus le marché, risquait sa chanson bachique à la fin du dîner. Le pauvre homme, fier de son importance de nouveau capitaliste, parlait de retourner à Paris, pour y fonder une société de secours mutuels, ayant pour base quelques idées de la Commune. Mais maman Bartau se précipitait, furibonde.

— Ne bougez donc pas, monsieur Tranet, voilà une eau-de-vie bien supérieure à vos saletés de consommations parisiennes. Tenez, si vous mettiez vos capitaux dans notre magasin, je vous en donnerais chaque matin.

Ahuri, Tranet se tiraillait la barbe.

— Nous verrons cela, maman Bartau. Les femmes m’ont tellement plumé ! Je ne refuse pas… seulement, je veux des garanties. Et puis, vous savez, la colle n’est pas encore réussie, Mme Désambres veut que cette colle porte son nom… Je lui dois des égards…

Louis assistait au débat, railleur et un peu triste. Ses amours l’absorbaient, maintenant, il laissait toutes les vibrations de sa chair dans l’alcôve de sa maîtresse, et ce qui l’avait jadis passionné ne l’intéressait plus que très médiocrement. De son côté, Louise, toujours en visites nocturnes, n’écoutait même pas les dis-