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Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/215

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Un matin, la chose fut annoncée au dessert, entre la petite chanson et le verre de vieille eau-de-vie, Maman Bartau expliqua que, malgré leurs âges, il n’était pas honnête de vivre ensemble, que la réputation de la maison réclamait des situations régulières. On irait à la mairie, sans passer par l’église, étant donné les convictions républicaines d’un chacun, on ferait un énorme déjeuner dînatoire, les nouveaux époux s’installeraient dans le haut des magasins qu’on tapissait, et la demeure des Bartau resterait intacte aux jeunes, puisque les jeunes, faisant chambre à part, avaient besoin de plus de logement.

Louise et Louis croisèrent leurs yeux embarrassés : une envie de rire leur était montée à la gorge, puis ils avaient eu un salutaire mouvement de générosité. Ils ne devaient pas rire, ceux-là étaient de pauvres gens bien simples qui ne trahiraient peut-être pas la foi jurée, le vice leur était inconnu ; ils agissaient par intérêt, sans doute, mais, est-ce que le vice n’est pas l’intérêt égoïste et bien mal entendu cependant de la chair ? Ils répondirent doucement que leurs parents étaient libres d’agir selon leurs cœurs. Marie dut apporter une autre bouteille de cassis.

On fixa le mariage au premier mai, une époque remplie de roses.

— Tu devrais profiter de cette occasion pour divorcer ! s’écria Mme Désambres, lorsque, le soir, dans un rendez-vous, Louis, dégagé de tous liens respectueux, lui annonça la stupéfiante combinaison de sa mère, en pouffant de rire.