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Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T4.djvu/127

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tuation et aux motifs que pouvoit avoir Montoni pour l’y réduire. Il avoit un mauvais dessein contr’elle, on ne pouvoit en douter. S’il ne la faisoit pas périr pour hériter d’elle à l’instant, il ne la faisoit cacher pendant un temps que pour la réserver à de plus sinistres projets, aussi dignes de son avarice, et mieux assortis à sa vengeance. Elle se rappela le signor Brochio, et sa conduite dans le corridor. Son horrible supposition en prit une force nouvelle. Cependant, à quel but l’éloigner du château, où tant de crimes secrets s’étoient probablement déjà commis ?

L’effroi de ce qu’elle alloit trouver devint alors si excessif, qu’elle se vit prête à perdre connoissance. Elle pensoit en même temps à son bien-aimé père, et à ce qu’il auroit souffert s’il avoit pu prévoir les étranges et cruels événemens de sa vie. Avec quel soin n’eût-il pas évité de confier sa fille orpheline à une femme aussi foible que madame Montoni ! Sa position actuelle lui paroissoit à elle-même si romanesque, si invraisemblable ; elle se rappeloit si bien le calme et la sérénité de ses premiers ans, que, dans certains momens, elle se croyoit presque victime de quelque songe épouvantable, et d’une imagination en délire.