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Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/152

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vaient être insuffisants à servir un dividende proportionné aux cours exagérés que les actions avaient atteints. La spéculation à la hausse, en effet, ne peut pas maintenir et faire monter indéfiniment les cours : un moment vient où certains spéculateurs veulent réaliser, où les Contreparties leur manquent et où les portefeuilles des capitalistes commencent enfin à discuter le revenu possible du titre. Ainsi en fut-il dès le mois de décembre 1719[1].

Le gouvernement voulut défendre la Banque contre la fatalité inexorable des lois économiques qui avaient été violées. Il se crut assez fort pour détruire à coup d’ordonnances la valeur du métal et pour décréter le crédit du billet. Interdiction fut faite aux particuliers de payer en argent plus de 40 livres et en or plus de 300 ; interdiction aussi, à peine de confiscation, de posséder plus de 500 livres en métal ; enfin, démonétisation de l’or et de l’argent par la suppression de leur pouvoir légal de paiement. Toutes ces mesures avaient pour but de soutenir artificiellement les billets et de recroître en même temps l’encaisse métallique ; La fusion de la Banque et de la Compagnie des Indes, le 22 février 1720, ne pouvait rien sauver. Vainement les billets en circulation atteignirent-ils un moment le chiffre colossal de 3 milliards de livres. Le gouvernement finit par s’avouer vaincu ;

  1. En infiniment petit et toutes proportions gardées, rien ne ressemble mieux à la chute du système, en 1719 et 1720, que la chute des cours, de l’Union Générale en janvier 1882. — Le mouvement à la hausse qui s’était graduellement poursuivi sur ces titres depuis 1879 et qui avait atteint, dans le second semestre de 1881, tous les caractères d’une fièvre de spéculation, pouvait-il se soutenir ? L’examen de la cote, en janvier 1882, répond à cette question. Au cours d’alors, 300.000 actions libérées de 250 francs et cotées plus de 3.000 francs représentaient une valeur vénale nette de plus de 800 millions de francs. À 6 % (ce qui alors aurait été plutôt trop bas pour une affaire de banque), il aurait fallu un bénéfice annuel de 50 millions pour le dividende, sans compter les mises à la réserve. Or, la Société, y compris les primes sur les actions des dernières émissions, n’avait pas encaissé beaucoup plus de 100 millions. Un bénéfice régulier de 40 % ou 50 % environ du capital était impossible à obtenir : donc les cours étaient impossibles à conserver indéfiniment. Et quand on aperçut les premiers symptômes de fléchissement, ce ne fut pas une baisse, ce fut un effondrement presque en un seul jour.