Aller au contenu

Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/261

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Angleterre faisait peser sur l’Irlande. Il y a là, en effet, ne fût-ce qu’au point de vue de l’économie politique, une page très curieuse de l’histoire de la persécution de l’Angleterre protestante contre l’Irlande catholique. En 1663, le Parlement anglais exclut l’Irlande de l’acte de navigation et ruina une marine qu’il aurait dû chercher à favoriser. En 1665 et 1680, il interdit l’entrée de l’Angleterre aux bestiaux, lard, beurre et fromage d’Irlande. Enfin, non content d’avoir empêché, en 1696, les colonies de commercer avec l’Irlande, on en vint, en 1699, jusqu’à interdire aux Irlandais d’exporter quelque part que ce fût la laine qu’ils commençaient à manufacturer. On chercherait vainement un autre exemple de persécution économique aussi intense et conduite aussi systématiquement. C’est ainsi que l’Irlande fut empêchée de rivaliser avec l’île sœur dans le champ du travail, et les plaintes de Berkeley n’ont rien qui nous doivent surprendre. En outre, Berkeley, adoptant les idées de Locke sur le travail considéré comme source de toute richesse, demandait « s’il n’est pas injuste de supposer que la terre soit elle-même la richesse ; si l’on ne doit pas mettre au premier rang l’industrie comme constituant la richesse, comme transformant en richesses la terre même et l’argent, puisque la terre et l’argent n’ont de valeur qu’à titre de moyen ou de stimulant pour l’industrie ; et s’il ne peut pas arriver que dans les solitudes de l’Amérique un homme possède vingt mille mètres carrés de terre et qu’il manque cependant d’aliments pour son dîner ou de vêtements pour couvrir son corps[1] ». Tout cela est fort intéressant à noter, trente ans avant la thèse tout opposée de la vieille école française.

Les Essais moraux, politiques et littéraires de Hume nous rapprochent des physiocrates et d’Adam Smith. Hume (1711-1776), à la fois philosophe sceptique et sensualiste,

  1. Questionneur, nos 38 et 39.