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Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/279

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traves extraordinaires apportées à l’importation de presque toutes espèces de marchandises des pays avec lesquels on suppose la balance du commerce défavorable[1] ». Mais quelque adversaire qu’il soit des formules mercantilistes, Adam Smith n’en fait pas moins de très larges concessions à ce qu’on appellerait aujourd’hui le protectionnisme national. Nous n’en voulons pour preuves que son éloge des actes de navigation de Cromwell et de Charles II[2], sa thèse sur l’utilité des droits éducateurs[3], ses justes observations sur la nécessité de ne passer que lentement d’un régime d’entraves à un régime de liberté commerciale[4], enfin ses réserves en faveur de la protection, même permanente, des industries qui seraient nécessaires à la sécurité du pays[5].

Le système agricole ou physiocratique est réfuté plus faiblement. Tout en n’acceptant pas l’idée de la productivité exclusive et unique de l’agriculture, Smith s’attarde dans une idée encore beaucoup trop matérielle de la production. Ce qu’il voit et ce qu’il recherche, c’est moins la satisfaction des besoins, préparée peut-être ou procurée par des efforts de l’esprit aussi bien que du corps ; c’est plutôt un objet matériel façonné par l’ouvrier avec un apport plus ou moins direct de la nature, objet dans lequel se sont incarnées la productivité du travail et la valeur[6].

  1. Ibid., ch. iii, t. II, pp. 63 et s.
  2. L. IV, ch. ii, t. II, pp. 47 et 49. — Adam Smith l’appelle « le plus sage de tous les règlements de commerce de l’Angleterre ». — Bastable (Théorie du commerce international, tr. fr., 1900, p. 197 en note), désireux de pouvoir faire de Smith un champion du libre-échange immédiat et universel, pense que cet éloge de sagesse ne signifie rien, puisque Smith « regardait les autres règlements comme suprêmement insensés ». Une telle interprétation est cependant inconciliable avec le contexte et l’œuvre tout entière de Smith.
  3. L. IV, ch. ii, t.II, p. 37.
  4. Ibid., p. 56.
  5. Ibid., p. 37. — Voir sur ces diverses opinions nos Éléments d’économie politique, 2e édit., pp. 402, 403, etc.
  6. « L’ouvrage du domestique, dit-il, consiste en services qui, en général, périssent et disparaissent à l’instant même où ils sont rendus, qui ne se fixent ni ne se réalisent en aucune marchandise qui puisse se vendre et rem-