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Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/374

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En 1842, les manchestériens gagnèrent Peel à leur cause. La même année ils obtenaient une nouvelle loi sur les céréales, qui constitua un premier et important succès de la Ligue. On maintenait bien à 73 shell. (40 fr. 15 les 100 k.) le prix jugé rémunérateur, à partir duquel le droit sur les blés apparaissait comme un simple droit de statistique ; mais l’échelle croissante des droits à l’importation allait être beaucoup moins rapide, et ces droits ne pouvaient plus dépasser 1 l. sterling le quarter (soit 11 francs les 100 kil.). La même année encore le Parlement levait les prohibitions à l’entrée de la viande, du poisson, etc., et les droits d’exportation sur les houilles et les minerais. De nouveaux succès marquèrent la suite de cette campagne. Enfin les derniers débris des cornlaws tombèrent en 1846. Depuis lors les barrières douanières s’abaissèrent toujours de plus en plus, de manière à ce que les droits perçus à l’importation, tout en restant fort élevés et en fournissant à la couronne des revenus fort importants, eussent de plus en plus le caractère de droits fiscaux, ou impôts de consommation perçus sur des produits exotiques.

C’était le 27 janvier 1846 que Peel avait déposé son projet pour l’abolition des droits sur les blés étrangers. L’Anticornlawleague n’avait donc plus de raison d’être. Elle ne s’en maintint pas moins, sous un programme un peu nouveau, qu’elle formula dans le fameux manifeste du 10 mai 1846. Ce programme comportait : le libre-échange absolu au nom du droit naturel ; la paix extérieure à tout prix ; le principe de non-intervention dans la politique continentale. Telle est l’école de Manchester ou manchestérianisme — le Manchesterthum, disent les socialistes allemands — qui implique, soit au dedans, soit au dehors, l’action politique et économique de l’État réduite à sa plus faible expression[1]. On est loin maintenant d’Adam

  1. « Il y a peu à prendre, pour la théorie économique, dans les discours et les écrits des chefs de la ligue », a dit Bastable. (Théorie du commerce