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Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/506

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mocratiques[1]. À ce phénomène, M. Arsène Dumont a donné un nom qui demeure : il a inventé le néologisme « la capillarité sociale[2] ». La capillarité sociale, c’est le désir de l’ascension, et elle tient au contraste de l’égalité politique, qui permet de tout espérer, avec l’inégalité économique, que l’on aspire à faire cesser.

Reste seulement à savoir par quels procédés cette capillarité sociale va se manifester et agir. À notre connaissance, aucun économiste libéral ne s’en est expliqué ; aucun non plus n’a voulu se prononcer sur le caractère licite ou immoral des procédés effectifs qui seraient employés. Sous l’empire des « idées démocratiques », du « développement de l’aisance et du bien-être » — si nous employons ici les termes mêmes de M. Paul Leroy-Beaulieu — on veut avoir moins d’enfants pour avoir soi-même moins de peines et pour faire ou laisser après soi des enfants plus riches. Soit : mais comment s’y prend-on ? Par la continence dans le mariage ? Par l’onanisme et les fraudes conjugales contre la loi naturelle ? Par l’avortement même ? Telles sont les questions qui ne sont nulle part envisagées, pas plus que la question de la moralité intrinsèque de ces actes très divers. Quant à nous, nous restons convaincu que la continence n’existe pas, que les fraudes sont le moyen usuel et que les avortements sont eux-mêmes fort nombreux[3]. Le déclin de l’esprit religieux est pour une part immense dans ce suicide national.

Par tout ce qui précède, on explique ainsi fort bien que

  1. Leroy-Beaulieu, Traité d’économie politique, 2e éd., t. IV., pp. 593 et s. — Voir aussi de lui : Économiste français, 1er septembre 1895, et Revue des Deux-Mondes, 15 octobre 1897 ; — Molinari, la Viriculture ; — Colson, Cours d’économie politique, t. I.
  2. A. Dumont, Dépopulation et civilisation, 1890, et Natalité et démocratie, Paris, Schleicher, s. d. (publié en 1898).
  3. La Liberté (de Paris) du 16 juillet 1908 reproduit cette opinion, qu’elle a recueillie de M. Garraud, professeur de droit criminel à l’Université de Lyon : « Les avortements se comptent par milliers : j’ai établi, par des documents médicaux, puisés à meilleure source, qu’il se commettait à Lyon seulement (où l’on compte environ 8, 000 naissances) à peu près 10.000 avortements ».