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Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/516

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couler l’eau à côté de moi : leur préparation et leur mise en place me font perdre d’abord le temps que m’économisera ensuite leur usage. La productivité du capital résulte de l’excédent du temps gagné sur le temps perdu ; elle dépend à la fois du temps que la formation du capital a exigé et du nombre plus ou moins répété des opérations dans lesquelles il y aura ensuite une économie de temps. Tout cela est ingénieux et bien déduit, peut-être un peu naïf : de plus, en certains cas, il semble bien que le capital soit autre chose qu’une économie de temps, autre chose qu’un circuit et un moyen détourné. C’est ce qui arrive toutes les fois que le capital nous donne la force d’obtenir quelque chose que sans lui nous n’aurions pu obtenir par aucun moyen, ni par aucun laps de temps — par exemple un navire, quand il s’agit de relations économiques avec une île.

Quelles sont les théories diverses qui expliquent et justifient l’intérêt ou loyer du capital ?

En dehors des théories indéterminées, qui se bornent à constater le fait universel ou bien à en donner une raison pratique tirée de ce que, au grand détriment de la société, le capitaliste n’aurait pas constitué le capital s’il n’avait pas dû en tirer un avantage, même sans l’exploiter lui-même, on peut, avec M. de Bœhm-Bawerk, distinguer les théories suivantes :

1° La productivité du capital. Le capitaliste, lors même qu’actuellement il ne travaille pas, participe à la confection du produit. Il est donc juste qu’il en ait une part sous le nom de loyer ou intérêt, comme l’ouvrier en a une sous le nom de salaire. Cette théorie, qui avait été indiquée par Lauderdale et par J.-B. Say[1] puis popularisée en Allemagne par Roscher[2], explique très bien le loyer des

  1. Say est assez malmené par Bœhm-Bawerk, comme n’ayant « su émettre aucune idée claire sur la cause première de l’intérêt du capital » (Op. cit., tr. fr., t. I, p. 154). Le jugement est exact.
  2. Roscher, dans ses Grundlagen der Natiotialoekonomie. Voyez la discussion dans Bœhm-Bawerk, tr. fr., t. I, pp. 157 et s.