de distinguer les arts qui, tels que l’agriculture, multiplient les richesses — artes acquisitivœ — et ceux qui se bornent à les déplacer — artes pecuniativœ.
Saint Thomas regarde le commerce comme honteux, turpe, c’est-à-dire mauvais, sauf dans les deux ordres de cas suivants : 1° si le negotiator, qui achète pour revendre plus cher, a le dessein de fournir aux besoins de sa famille, de subvenir aux indigents ou de rendre service à sa patrie ; 2° si la marchandise doit être transformée par lui, immutata, dans l’intervalle de l’achat et de la revente, c’est-à-dire si le commerce doit être mélangé d’industrie. Or, l’agriculture implique essentiellement cette production ou transformation matérielle : elle n’a rien à voir avec l’acquisition chrématistique, c’est-à-dire avec les artes pecuniativœ, et c’est pour cela qu’elle n’avait pas besoin d’être légitimée et purifiée par l’intention de celui qui s’y livrait. Quant à la productivité économique du commerce, il serait bien hardi de supposer que saint Thomas l’eût entrevue, malgré les termes propter publicam utilitatem, ne scilicet res necessariœ advitam patriœ desint[1]. Hors ces cas là, donc, il condamnait le profit commercial et le commerce exercé en vue d’un gain.
À vrai dire d’ailleurs, l’article de saint Thomas que nous venons d’analyser, était précisément établi contre les adversaires les plus intransigeants du commerce : la preuve, c’est qu’il débutait — suivant le procédé thomiste — par les arguments contre toute espèce de commerce et qu’il se terminait par leur réfutation. C’était donc une certaine
- ↑ Voyez cependant Dubois, Précis de l’histoire des doctrines économiques, 1.1, p. 87. « Notons, dit-il, la découverte de cette vérité : le commerce est productif de valeur ». — Saint Thomas reconnaît bien que le commerce peut, en certains cas, rendre service : mais est-il le premier à s’en être douté, et reconnaître ces services est-ce la même chose que proclamer la productivité ?
Voir pour les doutes soulevés sur le commerce la Somme théologique de saint Thomas, IIa IIne, quaestio LXXVII, art. 4.
« Qui ad hoc emit ut carius vendat ».