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Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/75

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une différence quelconque entre les prêts à la consommation et les prêts à la production — distinction qui, du reste, ne s’est jamais présentée à son esprit ; — mais encore bien plus tard le pape Benoît XIV, dans son Encyclique Vix pervenit du 4 juillet 1745, promulguée à l’occasion d’un emprunt à 4 % émis par la ville de Vérone et du volume Dell’impiego del danaro, que le marquis Scipion Maffei venait de faire paraître à ce propos en 1744, a formellement condamné la perception d’un intérêt solius mutui causa dans le cas bien constaté d’un prêt au commerce ou à l’industrie[1]. Et cela, il l’a fait à un moment où les plaintes croissantes formulées contre la prohibition du prêt à intérêt l’auraient certainement porté à adoucir les rigueurs de l’ancienne règle plutôt qu’à les accroître. Il n’a voulu

    contre dans le prêt fait à la consommation, s’il y a damnum emergens, lucrum cessons ou periculum sortis, et dans le prêt fait à la production industrielle, s’il intervient dans la réalité des faits un contrat accessoire d’assurance du principal et de vente à forfait du profit » (Loc. cit., p. 294 en note). Les derniers mots de M. Claudio Jannet supposent un trinus contractus sous-entendu.

  1. « Nullum arcessiri præsidium — dit Benoit XIV dans son Encyclique — potest ex eo quod… is a quo id lucrum solius causa mutui deposcitur, ad fortunas suas amplificandas, vel novis coemendis prædiis, vel quæstosis agitandis negotiis utilissime sit impensurus. » — Item, De synodo diœcesana : « Impiæ Calvini et Molinasi (Dumoulin) opinioni non veriti sunt subscribere pauci quidam doctores catholici. Distinguunt et isti duplex genus mutui : unum quo pecunia aliave res datur ad consumptionem… alterum quo datur ad negotiationem… A fœnoris labe excusant lucrum quod in secundo casu ex mutuo percipitur, dum modo sit moderatum, modumque servet a patrias legibus definitum. Novam hanc distinctionem, ab hæreticis primum excogitatam, præverterant Ecclesiæ patres, qui uno ore, absolute atque indefinite, fœneratitium pronuntiaverunt quidquid ex mutuo ultra sortem exigitur » (Op. cit., §§ 3-4). — Benoît XIV s’en prenait ici au Tractatus contractuum et usurarum redituumque pecunia constitutorum de Dumoulin, 1546. — Voyez aussi plus tard Saumaise, De tisuris, 1638, etc. — Saint Alphonse de Liguori, un peu plus tard, n’est pas moins explicite : « Lucrum, dit-il, quod recipitur ex pecunia, totum oritur non ex ipsa pecunia, quæ, cum omnino sterilis sit, fructum parere haud potest ; nec pro eo, quod mea pecunia alteri proderit ob suam industriam, possum ego ultra sortem ab eo exigere » (Theologia moralis, Ratisbonne, 1846, t. III, p. 759). — Quant à Pothier, en traitant du prêt de commerce, il combat très longuement (Prêt de consomption, 2e partie, sect. II, art. 1, §§ 78-85) cette distinction, qui, d’après lui, « est impossible dans la pratique et n’a, d’ailleurs, par elle-même, aucune solidité » (§ 78). Même l’escompte est qualifié par lui usure et condamné comme tel (§ 91 ; §§ 129 et s.).