Aller au contenu

Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/762

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour pouvoir se permettre individuellement à soi-même plus d’égoïsme dans les actes.

Jamais non plus le respect de la femme, au sens chrétien et au sens de Le Play, n’a existé dans le socialisme. On ne peut pas-même l’y concevoir, une fois admises les théories de la réhabilitation de la chair et de l’affranchissement des passions. Platon, celui que l’on appelle le divin Platon, n’avait pas pu faire du socialisme sans y mêler la promiscuité des sexes ; Campanella ne s’est pas soustrait à cette tyrannie de la logique ; Mably enfin, Morelly et tous les modernes, à finir par Bebel et par Malon[1], ont rêvé d’associer le plus immonde dévergondage avec la jouissance égalitaire ou commune des biens.

Le féminisme lui-même n’a rien à voir avec le christianisme. Le christianisme a relevé la femme ; il a proclamé l’égalité de sa dignité : mais il a maintenu la différence de ses fonctions ; Vouloir faire du féminisme avec saint Paul, parce qu’il a déclaré que devant Dieu il n’y a plus ni Juif ni Grec, ni libre ni esclave, ni homme ni femme[2], ce ne serait pas plus fondé que de vouloir faire de l’internationalisme avec ce même texte[3]. Le féminisme socialiste — et tous les vrais socialistes sont féministes — n’est pas autre chose qu’un procédé pour attaquer l’institution chrétienne du mariage. « Toutes les questions féministes — disent ensemble deux sommités du socialisme en Belgique

  1. « Lorsque l’amour et l’estime présideront seuls à l’union des sexes, ce qu’on est convenu d’appeler la débauche disparaîtra rapidement » (Benoît Malon, Morale sociale, 1885, p. 375).
  2. « Non est Judæus, neque Græcus ; non est servus, neque liber ; non est masculus, neque femina : omnes enim vos unum estis in Christo Jesu » (S. Paul, ad Galatas, iii, 28). — Voici des textes qui empêchent suffisamment qu’on ne se méprenne : « Non vir ex muliere... sed mulier propter virum » (I ad Corinthios, xi, 8 et 9) ; — Mulieres in Ecclesiis taceant : non enim permittitur eis loqui, sed subditas esse, sicut et lex dicit » (I ad Corinthios, xiv, 34) ; — « Mulier in silentio discat cum omni subjectione. Docere autem mulieri non permitto, neque dominari in virum, sed esse in silentio » (I ad Timotheum, ii, 11).
  3. M. l’abbé Gayraud, député de Brest, l’a cependant essayé. Apparemment il mettait dans le mot « féminisme » autre chose que ce que d’ordinaire on y trouve. — Voyez le R. P. Cathrein, die Frauenfrage, Freiburg, 1901.