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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/109

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un rôle presque digne d’un calomniateur vulgaire, lorsqu’il poursuit son adversaire jusqu’au-delà du tombeau. Calvin fût-il resté à l’écart, n’eût-il voulu tremper en rien dans ce honteux procès, n’eût-il fait autre chose que de le raconter comme il l’a raconté, c’en serait assez pour entacher sa gloire d’une souillure indélébile. Avec quelle hauteur il insulte à sa victime ! Avec quel zèle amer, il attaque sa mémoire, comme si ce n’était pas assez de l’avoir fait passer par le feu ! Avec quelle haine aveugle, il juge les derniers moments de l’hérétique, ces derniers moments enlevés à des querelles irritantes, pour n’être consacrés qu’à la prière et à Dieu ! Ici Calvin devient petit. Les préjugés du siècle ne peuvent plus justifier sa conduite : il y a là autre chose qu’une erreur. Servet ne voulant mourir qu’après avoir obtenu le pardon de son ennemi, et montant sur le bûcher en prononçant le nom de Jésus, est un chrétien qui s’est peut-être trompé et qui en est trop puni ; je crains que Calvin continuant ses vengeances jusque sur les cendres déjà refroidies du malheureux Servet, ne soit qu’un théologien blessé et implacable.

On excuse, en général, l’intolérance de Calvin en en rejetant la faute sur son temps. À cette époque, en effet, Michel de l’Hôpital avait presque seul compris que deux hommes de religion différente peuvent vivre sous le même ciel, sans se déchirer l’un