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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/134

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ait trouvé dans un autre monde la réponse aux problèmes qui le tourmentaient, c’est ce que j’aime à croire. Mais Pascal n’est pas mort tout entier. Il vit dans ses ouvrages, dans ses Pensées surtout, dont l’histoire n’est pas moins riche en vicissitudes que celle de son génie ne le fut en épreuves secrètes et douloureuses.

Il y eut quelques années d’intervalle entre sa mort et le moment où ses amis s’occupèrent sérieusement à sauver de l’oubli les fragments épars de son apologie inachevée. Ce sont presque les seules où Pascal ait pu dormir en paix. Avec la publication des Pensées recommence pour lui toute une vie de traverses et d’orages. Obligés à des ménagements sans nombre, ignorant d’ailleurs la loi d’exactitude proclamée par la critique moderne, ses amis font un minutieux triage des matériaux qu’il a laissés : ils élaguent, ils corrigent, ils arrangent, ils embellissent. Puis tout un aréopage de théologiens, les approbateurs nécessaires imposés par l’intolérance du temps, s’emparent du manuscrit. Chacun expose ses scrupules, et fait payer par quelque sacrifice sa haute approbation. Celui-ci redoute une phrase, celui-là en redoute une autre, et l’on corrige encore, jusqu’à ce que l’ouvrage paraisse assez parfait, assez modéré, assez orthodoxe, pour affronter l’examen d’un public dans lequel Pascal comptait autant d’ennemis que les jésuites avaient de créatures. On dirait un