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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/186

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et rebut de l’univers. Qui démêlera cet embrouillement ? [1]

Tel est, en quelques mots, le sombre et magnifique tableau par lequel s’ouvre le livre des Pensées. Invective, haute ironie, dialectique écrasante et subtile : Pascal y déploie toutes les ressources de son génie. Sa force est dans la puissance de ses sentiments. Jamais homme ne sentit plus profondément, jamais homme ne parla avec plus d’autorité. Mme de Sévigné ne dit-elle pas de Bossuet que ce grand orateur se battait avec son auditoire, et que chacun de ses sermons était un combat à mort ? Cet éloge est bien plus directement applicable à Pascal. Pascal attaque l’homme de haute main, et le terrasse jusqu’à ce qu’il s’avoue vaincu. La résistance est vaine. Avec un pareil jouteur, on ne se mesure pas longtemps : il faut fuir ou se soumettre. Les invectives dont Rousseau accable l’homme et la société, malgré ce qu’elles ont de fier et d’inattendu, malgré ce qu’elles ont parfois de très légitime, ne produisent pas le même effet. On résiste à Rousseau ; on peut le lire en lui refusant toute adhésion. Je ne crois pas qu’il soit facile de lire les fragments de la première partie des Pensées sans être subjugué. Il y a souvent, dans les plus éloquentes paroles de J. J. Rousseau je ne sais quel souffle de rhétorique. On se demande s’il

  1. Pensées de Pascal, édit. Astié, II, p. 195.