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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/208

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attachât plus d’importance aux pensées qui découlent naturellement de l’ensemble qu’à quelques paroles hautaines et méprisantes. Si Pascal eût traité à fond le problème de la portée de l’esprit humain, j’imagine que, développant un principe qu’il a très nettement, mais rapidement indiqué, il eût déduit les limites de nos facultés intellectuelles des limites mêmes de notre être. Il eût tiré parti de cette pensée remarquable que le peu que nous avons d’être nous dérobe la vue de l’infini, que ce que nous en avons nous cache celle des premiers principes,[1] de telle sorte que nous sommes réduits à la vue d’une certaine sphère moyenne qui est la sphère propre à l’homme, de telle sorte aussi que nous sommes également incapables et de savoir certainement et d’ignorer absolument.[2] — De ces principes résulte, j’en conviens, l’impossibilité d’une science absolue ; mais tout le mouvement du monde moderne, comme l’a fort bien démontré M. Scherer, s’est accompli dans ce sens :

La foi à l’absolu, dit M. Scherer, est propre à l’enfance, à celle des peuples comme à celle des individus. Les uns et les autres, la perdent de la même manière, en devenant hommes faits. Tous les objets sont simples aux yeux de l’enfant, toutes les couleurs sont tranchées, tous les contrastes sont des contradictions.

  1. Ce sont les propres expressions de Pascal. Pensées de Pascal, édit. Astié, II, p. 106.
  2. Pensées de Pascal, édit. Astié, II, p. 108.