Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/224

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de la chute. Ces deux hypothèses s’appliquent aux mêmes faits, elles aspirent l’une et l’autre à être la loi du monde moral. Elles rivalisent. À laquelle dois-je croire ? Quelle est celle qui s’accorde le mieux avec les faits ? C’est ce que j’ignorerais éternellement, si je ne suivais d’autre maître de philosophie que Pascal, car je ne vois rien dans son étude de la nature humaine dont l’une de ces théories ne puisse se prévaloir aussi bien que l’autre.

Je dirai même, et cela sans vouloir me livrer au triste plaisir du paradoxe, que si la partie philosophique des Pensées me faisait incliner plutôt vers l’une, ce serait vers celle de Hegel. L’idée du philosophe allemand a l’avantage de me faire comprendre les contradictions métaphysiques de l’homme aussi bien que ses contradictions morales, et l’on se souvient que Pascal a eu le malheur d’éveiller ma curiosité sur les premières, sans être en mesure de la satisfaire. C’est une lettre de recommandation qu’il a donnée à l’avance au système de Hegel.

Il va sans dire que je ne fais pas un crime à l’apologète du dix-septième siècle de ne pas me mettre en garde contre le penseur allemand ; ce serait trop naïf. Je me borne à poursuivre mon but ; je recherche ce que la philosophie moderne a fait perdre de valeur aux arguments de Pascal, et j’arrive à cette conclusion singulière que, presque toute la première partie du livre des Pensées, presque toute cette étude