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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/226

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plus forte. Il manquait à Pascal pour commenter l’Ancien Testament une chose indispensable, la science, partant la critique. Tout dans le livre divin lui paraît lumineux. Les prophètes, les miracles, les figures viennent tour à tour lui prêter l’appui de leurs preuves, et il les interprète avec plus d’assurance que ne le ferait un voyant. On dirait un prophète attardé.

Pascal, dans ce chapitre des Prophéties, dit M. Sainte-Beuve, comme dans celui des Miracles, est manifestement sur son Thabor. Soyons pourtant sincère, dussions-nous par là nous juger. Le souffle nous manque pour l’y suivre jusqu’au haut ; et là où il voit plus clair que le soleil, notre œil ne distingue, hormis quelques grands traits éclatants, qu’un fond très mélangé de lueurs et d’ombres. Si, parmi les auditeurs du fameux discours dont ses amis nous ont parlé,[1] il s’en était trouvé un seul qui fût capable de doute, ce seul article des prophéties était fait peut-être pour le troubler. Car que de hardiesses ! que de témérités ! que d’aveux lui échappent dont il s’arme aussitôt comme d’une preuve.[2]

Pour nous, enfants du dix-neuvième siècle, hommes très capables de doute, nous sommes peu convaincus par les témérités de Pascal ; j’ose ajouter que nous n’en sommes guère édifiés. Au dix-septième siècle et dans la société de Port-Royal, une argumentation pareille pouvait être fort salutaire ; je crains

  1. Il s’agit justement de celui que rapporte Etienne Périer.
  2. Sainte-Beuve. Port-Royal, III, p. 366.