Aller au contenu

Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/251

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore, plus cachée et réservée. Mais on n’était pas impunément l’ami de Victor Hugo, et, la jeunesse aidant, il arriva que le poëte, chez M. Sainte-Beuve, entraîna d’abord le critique. Puis ils se dégagent l’un de l’autre et semblent aller chacun leur chemin. Le poëte n’y perd pas, il donne toujours la note intime ; mais le critique en souffre, il ne peut pas se déployer au large, il n’attire à lui qu’une partie des forces vitales, et malgré des prodiges de finesse, il a je ne sais quoi de relativement aride, il laisse une vague impression de sécheresse, on dirait qu’il s’agite en dehors sans tenir à l’âme. Les variations de M. Sainte-Beuve trahissent le secret malaise, la sourde inquiétude d’un talent qui n’a pas encore trouvé son emploi définitif et complet. Je crois qu’il a été très heureux pour lui que les circonstances l’aient ainsi divisé et jeté dans tant de voies diverses. Quand les forces disjointes se sont de nouveau réunies, il ne s’en est trouvé que plus riche ; mais en attendant il avait donné le spectacle d’une étrange versatilité, et le grand public, qui a coutume de s’en tenir à l’apparence, a eu dès lors quelque peine à le prendre tout à fait au sérieux.

Cependant, cette période obscure ne pouvait pas se prolonger ; le jour devait se faire tôt ou tard, et il se fait dans le Port-Royal. C’est là que l’on voit enfin la vie poétique de M. Sainte-Beuve tourner tout entière au profit de sa vive curiosité d’intelligence