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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/298

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laire des romans du siècle qu’il eût moins obtenu. On lit un roman, puis on passe à un autre, mais on se préoccupe d’un livre tel que la Vie de Jésus ; on y revient, on l’éprouve, on le discute, et à force d’être présent à la pensée il exerce une action bien autrement durable et féconde.

M. Renan s’arrête davantage sur la poésie de Béranger. Le principal reproche qu’il lui adresse tend à l’assimiler à celle des faux lyriques du XVIIIe siècle, « faisant à volonté des cantiques pieux, des odes pindariques et des épigrammes obscènes ». Le rapprochement paraîtra fort, et pourtant on ne saurait le repousser tout à fait. La vie de Béranger fut tranquille et rangée ; ses chansons sont d’un bon vivant et d’un parfait libertin. Il semble s’être exercé de gaieté de cœur à salir les imaginations. Son hypocrisie, à lui, a été de se faire plus mauvais qu’il n’était. Cette sorte d’hypocrisie n’est rare nulle part, et il est naturel qu’on la rencontre plus fréquemment dans les pays où une certaine légèreté n’est point mal portée et où un grain de scandale sert d’assaisonnement au succès. Mais, commune ou non, il serait étrange qu’elle pût se traduire en poésie. Aussi n’est-ce point par un excès de poésie que se distinguent les chansons libertines de Béranger.

« Peut-être, dit-il dans sa Biographie, n’ai-je jamais parfaitement connu ce que nos romanciers anciens et nouveaux appellent l’amour, car j’ai