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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/305

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cutée, mais dont le souvenir demeure ineffaçable dans l’imagination. Elle a été malade. Sept démons ont habité en elle ; mais elle a rencontré Jésus, et pour elle la vie date de ce moment. Elle n’a ni enfants, ni époux ; elle a Jésus. Elle est celle que Jésus a guérie, celle que Jésus a relevée à ses propres yeux, et si secrètement il se mêle à l’exaltation de sa reconnaissance quelque vague pensée dont elle rougirait elle-même, croyez bien qu’elle n’en a pas conscience. Elle ne sait qu’une chose, que Jésus est tout pour elle et qu’elle l’aime avec adoration. Il est mort, et pour dernière consolation il lui reste son corps à embaumer et à ensevelir. Mais on l’a pris ce corps ; le sépulcre est vide, et elle pleure abondamment. Les souvenirs seront désormais sa seule richesse. Elle les repasse dans sa mémoire ; elle le voit sur les coteaux de la Galilée, guérissant les malades, consolant les affligés. Soudain, ineffable vision, vision de douleur et d’amour ! le voilà lui-même ; ce sont ses traits, c’est sa voix, et elle se jette à ses genoux en l’appelant « Rabboni ».

L’orthodoxie ne saurait accepter ce qui dans cette scène tend à faire passer la résurrection de Jésus du domaine de la réalité dans celui de l’imagination ; mais l’essentiel, pour l’art, est la figure de Marie, dont la beauté subsiste soit que l’on admette une vision, soit que l’on croie à une résurrection véritable. Un degré de plus ou de moins, non dans