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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/311

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rect, quoique fort incomplet ; mais cette rectitude de croyances n’implique pas le moins du monde la présence et l’activité du sentiment religieux. Je ne dirai pas que Béranger en fût totalement dépourvu. Ce qu’il en avait a pu se développer, l’âge aidant, surtout sous forme de reconnaissance attendrie. Toutefois il n’en a jamais eu de quoi le gêner, et sa reconnaissance elle-même a je ne sais quel air dégagé, qu’on trouvera médiocrement religieux :

Quand je pense à Dieu, je souris.

Son orthodoxie relative a pu d’ailleurs s’associer avec la licence illimitée et le vulgaire libertinage de l’imagination, étrange association, qui a persisté jusque dans sa vieillesse, et dont on ne voit pas qu’il ait jamais soupçonné le scandale. On ne saurait être moins mystique que Béranger. Le sens de l’adoration lui est étranger. Son Dieu est un de ses convives. On lui porte des toasts bachiques. Il ressemble parfois aux héroïnes que le poëte invite à ses débauches imaginaires. On le prie aussi de jurer, et il s’en acquitte avec une désinvolture suprême : qu’on se rappelle la chanson du Bon Dieu, mordante, spirituelle entre toutes, mais d’un tel cynisme qu’on pardonnerait plus aisément au poëte la vulgarité et la platitude.

La conscience de M. Renan se soulève à la seule pensée des profanations d’un tel culte.