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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/314

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études littéraires dans tout son jour. Et cependant, en écrivant les pages qui précèdent, nous nous demandions s’il est aussi grand en réalité qu’en apparence, et si M. Renan, dans l’indignation de sa colère, ne l’a pas exagéré. Assurément ce n’est point un accident ordinaire que la vogue d’un poète qui tourne en dérision perpétuelle les croyances de ceux qui le lisent ou le chantent. Ecrire le Fils du pape ou le Mariage du pape, et devenir le poète national d’un pays tel que la France, fille aînée de l’église, voilà qui est remarquable. Que sera-ce si on y ajoute les chansons du Bon Dieu, des Clefs du Paradis, des Deux sœurs de charité, etc. ? Toutefois il faut tenir compte de l’excitation de luttes politiques où le clergé joua un rôle fait pour provoquer les passions, ainsi que de la liberté de propos acclimatée en France dès le temps des anciens trouvères. Il n’est pas de pays où il soit plus pardonné aux licences de la parole. Est-ce aller trop loin que de leur faire une part considérable, et de voir dans Béranger un épicurien satirique, dont l’esprit juste, ferme et court, se débarrasse de tout ce dont il ne comprend pas immédiatement le sens et l’utilité, qui prend la vie avec ses jouissances et ses biens, qui croit en Dieu moins par un ardent besoin de cœur que pour en avoir promptement fini avec de fatigants problèmes — solution commode, qu’on inventerait si elle n’existait pas — et qui, sans calcul, ayant une morale facile, a un Dieu qui n’est