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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/317

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presque rien de commun entre les refrains de Béranger et les chants du village. Il y a, on ne le sait pas assez, il y a en France une poésie populaire, originale et naïve. Je me suis dit quelquefois que ce serait un beau rôle pour un artiste patient que de la traduire dans une langue plus cultivée. Un rôle ! expliquons-nous ; celui qui s’en ferait un rôle serait sûr d’y échouer. Quiconque a pour devise comme Béranger : « Je suis du peuple », ne l’est qu’à moitié. Il faudrait pour en rendre l’accent naïf quelque vrai poëte, enfant du peuple sans avoir besoin de le dire, qui au collège de France n’aurait point oublié son patois, qu’on aurait vu quelquefois distrait dans les salons, rêvant à sa chaumière. Cette œuvre se fera ; et je me demande si Béranger, tout incapable qu’il était de l’entreprendre, ne l’a pas entrevue un instant. Vers 1830, lorsque son rôle politique commence à décliner et que, incertain de sa voie, il essaie plus d’un mode nouveau, on le surprend à écrire, à côté de chansons philosophiques et sociales, quelques-uns des couplets où il s’est le plus rapproché de la véritable poésie populaire. Les Souvenirs du peuple et le Vieux caporal datent de cette époque. La première de ces chansons est d’une simplicité trop savante pour le paysan. Elle rend bien la vie du peuple, mais dans un tableau fait pour être senti surtout par les