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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/338

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d’Aristophane un « poëte comique qui n’est ni comique ni poëte ».

Voilà dans quel esprit on juge Molière quand on sort d’un gymnase ou d’un lycée français ; mais à peine aborde-t-on l’université qu’on entend parler de littérature comparée, d’esthétique et d’une foule d’autres sciences dont le sage Boileau ignorait jusqu’au nom. Une des premières choses qu’on y apprend est qu’il a existé en Allemagne un littérateur fameux, appelé Auguste-Wilhelm Schlégel, lequel a réformé tous les faux jugements de la critique française sur la comédie en général et sur Molière en particulier. Les esprits curieux de littérature ne tardent pas à faire connaissance avec lui, et voici ce qu’ils apprennent à son école.

La comédie est le contraire de la tragédie. Elles sont entre elles comme le jour et la nuit, la santé et la maladie, la vertu et le vice. Il suffit de définir la tragédie pour avoir du même coup défini la comédie. La tragédie est sérieuse, donc la comédie doit être gaie. Le sérieux tragique concentre nos pensées sur un objet précis, donc la gaieté comique les dispersera joyeusement. L’action tragique tend à une fin, elle y marche d’un pas grave et rapide ; donc l’action comique ne tendra à aucune fin précise, mais se perdra en méandres infinis, allant et revenant sur elle-même, et se plaisant aux bouffonnes échappées. Plus l’action tragique est simple plus elle est tragique,