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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/417

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se fondre, s’associaient et s’enchaînaient l’une à l’autre par la puissance de la sympathie.

Qu’ils nous disent donc, ces théoriciens absolus, qui proclament l’incompatibilité de la critique et de la poésie, qu’ils nous disent ce qui est de trop, chez Schiller et chez Gœthe, chez Gœthe surtout, du critique ou du poëte. De quelle main veulent-il lui faire l’amputation, de la droite ou de la gauche ? De la gauche, sans doute ! Le monde est fait si singulièrement que les hommes ont tous un côté plus faible que l’autre, et ils sont si routiniers qu’ils s’arrangent pour que ce côté soit le même chez tous. Ainsi le veut la conscription. Le génie, dit-on, est sujet à cette infirmité aussi bien que le vulgaire. Soit ! Mais, quand à Gœthe, on peut les mettre au défi, ces chirurgiens émondeurs, de reconnaître sa gauche de sa droite, sa droite de sa gauche.

On objecte que de tels exemples sont extraordinaires, et que la théorie commune, fausse peut-être pour quelques génies exceptionnels, n’en est pas moins vraie dans l’immense majorité des cas, même pour des artistes de premier rang. Le poëte, dit-on, le poète ou l’artiste, est presque toujours l’homme d’un certain don ; il ne comprend qu’un certain ordre de beauté, celui qu’il doit révéler au monde, tandis que le critique, de sa nature amateur et non créateur, comprend et goûte tous les ordres de beauté.

L’objection s’évanouit quand on y regarde de près.