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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/423

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que moi ; je ne connais pas de poëte plus vrai ; mais il en faut bien convenir, il semble avoir peur de toucher aux choses qu’il dit ; le mot côtoie la pensée ou l’effleure, souvent par délicatesse, souvent par timidité ; il y a des vers qui ne sont qu’à moitié pleins ou qui s’allongent en périphrases, des images opaques, des façons de dire générales et des élégances de convention. Après tant de révolutions accomplies dans la politique, dans les mœurs et dans les idées, depuis que la démocratie — au nez rouge — a renversé l’ancienne hiérarchie des choses et des mots, depuis que l’on écrit non-seulement pour le grand monde, mais pour tout le monde, pour la famille autant que pour le salon, on a senti généralement le besoin d’un style plus net et plus familier, disant les choses par leur nom, et plus nourri de poésie dans sa simplicité. Ce style s’est trouvé, et Victor Hugo, malgré toutes ses emphases, est un de ceux qui en ont dérobé le secret ; nul plus que lui n’en a multiplié les exemples. La poésie moderne, — celle de Victor Hugo en particulier, — n’a pas la tranquille beauté de celle du XVIIe siècle ; elle est tumultueuse, désordonnée, incohérente ; elle n’a pas produit une seule œuvre dramatique qui puisse soutenir la comparaison avec Phèdre ou Athalie ; elle n’en a pas moins ce mérite d’être plus exigeante pour la qualité poétique du vers : elle le veut plus ferme, plus souple, plus plastique, même aux mo-