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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/429

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nous faisons aujourd’hui. Les épopées homériques doivent à plus de critique leur plus haut degré de perfection.

Ainsi tout procède de la même source, tout est poésie, la critique aussi, du moins la bonne. Le critique ne vaut que dans la mesure où il est artiste ; il n’est bon juge qu’à la condition d’être partie, lui aussi.

Il n’y a donc que des apparences, une pure illusion d’optique dans l’antithèse qu’on établit entre l’artiste, dont l’imagination toute personnelle ne comprend qu’elle-même, et le critique, dont l’intelligence générale comprend tout le monde. Et cette illusion provient uniquement de ce que le critique, d’ordinaire moins artiste que le poëte, a les impressions moins fortes que lui, partant les antipathies et les sympathies moins vives. On lui croit l’intelligence plus étendue parce qu’il l’a moins passionnée. En réalité, il sent moins, il pense moins, il vit moins. Mais, dans sa sphère inférieure, il a aussi ses préjugés, ses étroitesses, et si l’on prend la peine d’y regarder, on verra qu’il n’y a pas beaucoup plus de critiques larges que de poètes à l’esprit ouvert. Critique ou poëte, nul ne gravite autour du vrai centre. Tous dévient vers quelque tangente. L’équilibre qui fait l’intelligence complète est rare à tous les degrés. Gœthe le critique n’est pas moins extraordinaire que Gœthe le poëte.