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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/58

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Le prisonnier cependant ne se doutait pas encore du sort qui le menaçait. Il croyait toujours Calvin près d’être détrôné. Dans la solitude de la prison, son imagination avait si bien travaillé qu’il en était venu, avant même que la procédure écrite fût terminée, à ne pas douter de son triomphe et à adresser au conseil une requête ainsi conçue :

Je vous supplie très humblement que vous plaise abréger ces grandes dilations, ou me mettre hors de la criminalité. Vous voyez que Calvin est au bout de son rôle, ne sachant ce qu’il doit dire, et pour son plaisir me veut ici faire pourrir en prison. Les poux me mangent tout vif ; mes chaussures sont déchirées, et n’ai de quoi changer, ni pourpoint, ni chemise, que une méchante. Je vous avais présenté une autre requête, laquelle était selon Dieu,[1] et pour l’empêcher Calvin vous a allégué Justinien. Certes, il est malheureux d’alléguer contre moi ce que lui-même ne croit pas… C’est grand honte à lui, encore plus grande qu’il y a cinq semaines que me tient ici si fort enfermé, et n’a jamais allégué contre moi un seul passage.

Quelques jours plus tard il osait aller plus loin : il intervertissait les rôles ; il se poilait du sein de sa prison partie criminelle, et dressait les articles sur lesquels il demandait, lui Michel Servet, que Jean Calvin fût interrogé. — Mais, au bout de trois semaines, voyant sa captivité se prolonger, ne recevant aucune réponse, accablé d’ailleurs de souffrances

  1. Voir page 44.