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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/98

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ou de mépriser les biens qu’on lui enlève ; il sera libre au fond de son cœur. Placez-le sur un trône, entouré de courtisans qui obéissent au moindre signe de sa main ; mais donnez à une puissance invisible le gouvernement de sa volonté ; que cette puissance dirige ses désirs, ses affections, tous les mouvements de son âme ; il ne sera qu’un esclave, et le plus ridicule de tous. La doctrine de Calvin établit la plus complète des servitudes.

Je refuse de suivre Calvin dans l’abîme où il s’est élancé avec tant d’audace, et je me crois en droit de le faire sans nier la Providence, sans marquer le point où s’arrête la liberté, et sans adopter aucuri palliatif dérisoire. Je ne sais si le mystérieux concours de la grâce et de la liberté ne pourrait pas se rattacher au fait plus mystérieux encore et plus fondamental de l’existence simultanée du fini et de l’infini ; mais il a tourmenté de trop grands esprits pour qu’il nous appartienne de vouloir l’expliquer. Toutefois nous savons d’une manière certaine que si la Providence existe, la liberté existe aussi ; et c’est en vain que les plus puissants docteurs, emportés par l’esprit de système, voudront anéantir l’un des deux termes de cette éternelle opposition. La conscience humaine, qui est plus forte que toutes les philosophies, proteste aussitôt, et les maintient l’un et l’autre. Si quelque saint Augustin veut nier la liberté, il survient quelque Pélage pour balancer