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Page:Ratel - Isabelle Comtat, Le Raisin vert, 1935.djvu/116

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LE RAISIN VERT

Poussée, roulée, claquée, Marie-Ja rentra en tourbillon dans la maison, avec sa mère multipliée derrière elle et la porte se referma sur ses hurlements, qui continuèrent de l’autre côté.

Lise demeurait pétrifiée sur son mur. Tout cela pour un rite indigène.

Brusquement, le désespoir l’envahit :

— Méchante, idiote de femme ! Oh ! si je pouvais lui montrer à quel point elle est idiote et méchante !

Et de se meurtrir les poings contre la pierre et de ruer des talons, cependant qu’au fond d’elle-même, un autre personnage attendait patiemment que se fût dissipé l’effet de ce contact avec le monde ordinaire et que l’on pût reprendre le voyage.

— Quel besoin avez-vous d’arroser ces hortensias ? Nous ne sommes pas chargés d’entretenir le jardin.

— Ces fleurs ont soif, dit Isabelle. La chaleur qu’il a fait aujourd’hui… Elles en crèvent.

— Laissez-les crever. C’est à la propriétaire de s’en occuper.

Sans répondre, la jeune femme continua d’asperger les feuilles claires et les boules aux pétales couleur de ciel, si rapprochés qu’ils formaient un quadrillage sans défaut. Quand elle eut fini, elle prit un sécateur et se promenant à petits pas le long de l’allée, elle émondait ici et là les fleurs fanées et les tigelles sèches.

Amédée la regardait faire, étendu dans un transatlantique, les mains pendantes, la lèvre inférieure avancée, l’œil bleu et morne.

— La brise de mer se lève, dit Isabelle avec un soupir d’aise.

Elle tendait l’oreille au bruit des feuillages, qui lapaient le vent frais du soir.

Amédée soupira aussi, mais d’un ton accablé :