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Page:Ratel - Isabelle Comtat, Le Raisin vert, 1935.djvu/118

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LE RAISIN VERT

Le va-et-vient ne cessa que lorsque Isabelle apporta des boissons fraîches dans des verres tintants, tout givrés de buée. Et l’homme persécuté par les éléments, épongeant à chaque instant son front moite avec un immense mouchoir, ne pouvait que répéter, sous l’empire d’une colère qui l’épuisait d’autant plus que l’objet en demeurait inaccessible : « Bon Dieu de bon Dieu de bon Dieu de bois ! »

L’étincelant ourlet pâlit peu à peu sous la porte et l’on éprouva, à travers les murs, la sensation qu’une présence hostile s’éloignait de la maison. Isabelle entrouvrit les persiennes et les referma aussitôt, assaillie par une bouffée d’air saharien qui sentait la figue chaude.

Mais le ciel, délivré du rayonnement blessant, laissait le regard monter et se perdre dans sa profondeur bleue et c’était un repos de pouvoir ouvrir franchement les paupières. Les objets retrouvaient la couleur et le relief. Tout se reprenait à vivre. Les enfants s’ébrouèrent, las de l’immobilité.

— Ma Gentille, je m’en vais au Vran, voir si je trouve des limandes dans les flaques.

— Z’amie, je vais cueillir du séneçon pour les lapins le long de la route qui descend à la plage.

— Ma Belle-Jolie, je vais me promener dans le village un petit moment.

Après l’avoir embrassée, ils lui disaient encore au revoir des yeux, puis se tournaient vers Amédée : « À tout à l’heure, papa. À tout à l’heure, oncle Amédée. » Poliment, gentiment, mais ce n’était ni la même voix, ni le même regard. Pas une fois, depuis qu’ils étaient au monde, ils ne s’étaient retournés pour le voir encore après qu’ils l’avaient quitté. Lui non plus. Mais on peut souffrir de ne pas recevoir ce que l’on ne songerait pas à donner.

Isabelle demeura. Mais quand elle aura fini de broder, Isabelle, elle s’occupera du dîner, des provi-