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Page:Ratel - Isabelle Comtat, Le Raisin vert, 1935.djvu/140

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LE RAISIN VERT

cheveux, en ouvrant dans l’espace des yeux éblouis.

Le Corbiau serrait ses coudes contre ses flancs. Le phénix allait-il une fois de plus renaître de ses cendres, la joie ressusciter ? Psyché…

Lise s’était assise à côté d’elle sur le gravier :

— Psyché… murmura-t-elle, roulant rêveusement sa tête blonde sur le tronc du magnolia. C’est égal, si c’est lui l’Amour, je ne me le figurais pas comme ça… Eh ! bien, qu’est-ce qui te prend ?

Le Corbiau avait bondi sur ses pieds. Un flot de sang colorait ses joues mates.

— Vas-tu me laisser tranquille, à la fin ? s’écria-t-elle, haletante. Allez-vous me laisser en paix, tous ? J’en ai assez, j’en ai assez, j’en ai assez ! Je voudrais… je voudrais qu’un raz de marée engloutisse la maison !

Brusquement, elle enfouit son visage dans ses deux bras, se jeta à plat ventre sur le gravier et se mit à sangloter farouchement.

— Eh bien ! vrai, souffla Lise. Quand les moutons deviennent enragés…

Ses yeux ébahis contemplèrent un moment le petit corps secoué de sanglots. Puis elle hocha la tête et se dirigea vers la maison.

Dans la chambre obscure, où régnait l’odeur camphrée de l’eau sédative, Laurent gémissait faiblement : « Oh ! ma tête, ma tête… »

Sa mère, à son chevet, renouvelait les compresses. Lise s’approcha d’elle sur la pointe des pieds.

— Dis donc, Z’amie, voilà que le Corbiau déménage à son tour. Sous prétexte que le docteur Olivier l’a appelée Psyché après lui avoir parlé de sa digestion, elle pleure et grince des dents et elle dit qu’elle voudrait qu’un raz de marée engloutisse la maison.

Isabelle arrêta sur sa fille son regard pensif et perspicace.