Page:Ratel - Isabelle Comtat, Le Raisin vert, 1935.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
49
LE RAISIN VERT

— Je ne vous refuse rien, entends-tu ? Vous n’avez qu’à demander.

— On n’a qu’à demander ? reprit Lise, avec une note aiguë dans la voix.

— Mais naturellement.

Debout en face d’elle, il la regardait d’un air offensé.

— Écoute, dit Lise. Suppose que j’aie beaucoup de prix à la fin de l’année. Si je te demande quelque chose ce jour-là, tu me le donneras ?

— Si c’est dans mes moyens, sûrement.

— Oh ! ce sera dans tes moyens. Ce ne sera pas un aréoplane. Ce sera un petit quelque chose de rien du tout, que je voudrais même te demander tout de suite.

— Ô femme ! s’écria M. Durras.

Le ressentiment que ce mot avait amené dans ses prunelles dures fondit peu à peu, tandis qu’il regardait sa fille avec un étonnement grandissant, comme s’il se demandait par quel miracle l’adversaire avait pu naître de son propre corps et lui montrer sa propre substance, si étrangement transformée.

— Allons, que veux-tu ?

Lise prit sa respiration. Au moment de franchir le Rubicon, elle avait le vertige.

— J’aurai des tas de prix à la fin de l’année, promit-elle d’une voix blanche, essoufflée. Je les aurai tous, si ça peut te faire plaisir, sauf celui d’arithmétique, ça, c’est au-dessus de mes forces. J’aurai même le prix d’excellence, comme toi, quand tu étais petit. Tu seras content, hein ? Eh bien, maintenant laisse-moi être contente et permets-nous d’aller au bal costumé.

— Ça non, dit Amédée. J’ai dit non et c’est non. C’est donc cela que tu voulais, avec ta composition d’analyse logique ? Mais tu es une petite horreur !

— Comment ! répliqua Lise sur le même ton, mais avec enjouement. Comment ! Tu fais des promesses et tu ne les tiens pas et tu prétends que c’est moi qui