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Page:Ratel - La Maison des Bories.pdf/124

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LA MAISON DES BORIES

le corps à peine caché par leurs vêtements beaucoup plus courts que tous ceux que j’ai vus jusqu’à présent à des enfants français. Un braque tacheté de brun trotte sagement à côté d’eux et complète le tableau. On s’attendrait à voir autour de leur groupe les frondaisons d’un parc et un château dans le fond, régnant sur de longues pelouses. Au lieu de cela, c’est un plateau perdu dans la montagne, une maison blanche et banale, au premier plan — et au fond une ferme misérable, entourée de seigles verts et de prés roussâtres. Mais c’est beaucoup plus beau qu’il en soit ainsi. Ces enfants, cette jeune femme, ces fleurs ont l’air d’avoir été transportés là par miracle, uniquement pour me surprendre. La jeune femme me regarde avec des yeux brillants d’orgueil où je lis aussi clairement que si elle parlait : « Nous n’avons rien de luxueux à vous offrir pour vous faire honneur, dans ce pauvre pays. Mais, voyez, nulle part vous ne trouverez rien de plus beau que ce que je vous montre en ce moment ! » Et c’est si vrai que je ressens à la poitrine le choc et la chaleur des bonheurs inattendus.

« Les trois enfants nous disent bonjour gentiment, chacun à leur manière. Le petit garçon : « Bonjour, monsieur, » en me tendant la main d’homme à homme, avec un regard net, abrupt, en plein visage. La petite fille blonde répète gracieusement : « Bonjour, monsieur, » d’un air amusé et complice, comme s’il y avait un sous-entendu comique sous ces deux mots, et il doit y en avoir un pour elle. Son regard rieur se lève sur moi avec une étonnante expression d’attente éblouie, et certes, jamais de ma vie, je n’ai aussi cruellement regretté de n’être pas beau. Au moins aurais-je dû pouvoir sortir quelque merveille de mes poches mais, hélas ! je n’avais sur moi que mon mouchoir et mon portefeuille. Il me faudra réparer ce fiasco. Quant à la petite fille brune, qui avait un air assez caucasien dans sa robe jaune, avec ses che-