Aller au contenu

Page:Ratel - La Maison des Bories.pdf/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
128
LA MAISON DES BORIES

t’en manger à la cuisine, qu’est-ce que j’ai fait à ce sacré Bon Dieu pour qu’il m’ait fichu un crétin pareil, et ça et ça, pour un pet de mouche on dirait que la maison croule et des histoires à n’en plus finir, pauvre Guillaume, véritablement à propos de bottes, enfin, comme dit maman quand elle se croit toute seule, j’aime encore mieux ça que d’avoir épousé un imbécile, mais si…

— Tais-toi, coupa Laurent avec sévérité, c’est toi l’imbécile, tu nous casses les oreilles.

Lise s’arrêta, cligna de l’œil en appuyant son index sur son nez et tous les trois éclatèrent d’un rire inextinguible.

Carl-Stéphane, pensif, contemplait le gravier.

— On va se promener un peu du côté de la forêt ? proposa le Corbiau.

Y allait-on ? N’y allait-on pas ? Après tout, il avait le temps de monter voir M. Durras.

Ils s’en furent vers la montagne, franchirent le ravin, Chientou trottant devant eux. Lise expliquait à Carl-Stéphane qu’il ne fallait pas avoir peur du loup, mais seulement du loup-garou « parce qu’il vous mange plus vite ». Mais elle dédaigna d’expliquer, tant c’était évident, que l’essentiel, quand on rencontrait un loup affamé, c’était d’avoir une minute à soi, rien qu’une petite minute, le temps de jeter les premiers mots d’une z’histoire si intéressante que le loup oubliait sa faim, croisait les pattes de devant pour mieux écouter, en ouvrant des babines attentives et charmées et qu’on devenait, tarare ! les meilleurs amis du monde.

Ce fut Carl-Stéphane qui eut l’idée d’une chasse au loup. Chientou faisait le loup, filant entre les arbres et quatre sauvages bondissaient à ses trousses, dirigés par les ordres brefs et gutturaux du plus grand des quatre, — non le moins sauvage, ni le moins enfant. Une habile manœuvre d’encerclement coupa