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Page:Ratel - La Maison des Bories.pdf/262

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LA MAISON DES BORIES

— Voulez-vous du thé ? demanda-t-elle en passant à son mari l’assiette des tartines.

Le thé était chaud, les tartines savoureuses, confortable le fauteuil dans lequel Amédée laissa tomber son corps fatigué. Il trouva la vie bonne.

— Savez-vous à quoi je pensais, Isabelle ? Je pensais que nous devrions nous installer à Paris, l’automne prochain. Qu’en dites-vous ?

Cela dépassait ses espérances. Mais elle contrefit celle qui est d’abord surprise et qui hésite, puis qui découvre peu à peu de bonnes raisons d’approuver — et toutes ces raisons semblaient concerner Amédée seul. Ils en discutèrent avec animation toute la soirée, exagérant un peu la cordialité mutuelle.

En cherchant du papier dans le buvard de sa femme pour établir un programme et un budget, Amédée trouva tout un paquet de lettres des enfants et se mit à les lire. Isabelle épiait son visage avec inquiétude. Mais il avait l’air plus surpris que fâché.

— C’est curieux, soupira-t-il.

Et, tournant vers sa femme un visage étonné et chagrin :

— Pourquoi ne m’écrivent-ils jamais des lettres pareilles ?

Pourquoi ? répéta Isabelle, en le regardant avec une attention perçante, comme si elle tâchait de le voir à travers un masque. Si vous réfléchissiez un peu vous-même à ce « pourquoi » ?

— Bien sûr, dit-il avec précipitation, bien sûr, bien sûr, ce n’est pas la même chose. C’est évident. N’en parlons plus.

Il détestait la cohérence de sa femme. Elle allait toujours droit son chemin, comme un soc de charrue et ses actes, toujours simples, lui ressemblaient. Elle avait bien de la chance ! pensait-il quelquefois avec amertume, mais qu’elle jugeât les autres selon ses propres lois, c’était par trop féminin.