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Page:Ratel - La Maison des Bories.pdf/71

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LA MAISON DES BORIES

bouche ronde, fermée comme un sceau et prend un temps avant d’articuler nettement cette réponse évasive :

— Je ne sais pas ce que vous appelez « sages », oncle Amédée.

— Comment ? tu ne sais pas ? Et toi, Lise, le sais-tu, si vous avez été sages ?

Lise sourit, lève l’index et, d’une voix gracieuse et moqueuse :

— Couci couça, papa. Laurent a été M. Couci, Anne-Marie Mlle Couça, et moi je suis Mlle Couci-Couça. Nous avons bien l’honneur de vous saluer.

Et tout en faisant une révérence de théâtre, elle le regarde par en dessous, pour voir si cet aimable trio a produit l’effet escompté et détourné l’orage.

Mais Amédée poursuit l’enquête avec un sourire un peu nerveux :

— Ah ! vraiment, ma fille ? Tu es une bonne langue. Mais dis-moi donc, est-ce que M. Couci n’aurait pas battu sa sœur et sa cousine ? Il me semble que j’ai entendu des cris, hier matin… qu’en dis-tu, Laurent ?

La figure joyeuse naufrage à vue d’œil et deux petites voix étranglées protestent en même temps.

— C’est pas vrai !

— D’abord, on ne dit pas « c’est pas vrai », réplique Amédée avec sévérité. Et puis c’est Laurent que j’interroge.

— C’est vrai, répond Laurent, le menton levé, les yeux pleins de défi. On s’est battu et je les ai rossées, parce qu’elles m’embêtaient et que je suis le plus fort. Et pis, j’ai cassé le parapluie de maman en voulant faire un parachute, et pis, j’ai pas appris ma leçon d’arithmétique, et pis j’ai répondu merde à Mlle Estienne.

Il a lancé tout d’une haleine ce bulletin de victoire. Et maintenant sa respiration se précipite et il regarde son père fixement, les mâchoires serrées.