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Page:Ratel - La Maison des Bories.pdf/97

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LA MAISON DES BORIES

on trie les graines pour le semis du jardin. Alors peut-être que je ferais mieux de lui en parler d^abord, comme d’une idée qui m’est venue comme ça et tout à fait sans importance, simplement pour avoir son avis.

« Et si elle me dit que c’est une bonne idée, je la ferai, mais si elle me dit que c’est une mauvaise idée je ne le ferai pas, parce qu’elle a toujours raison et je chercherai autre chose pour leur faire oublier à tous que je l’ai fait punir… »

Elle regardait toujours l’ombre fantastique de la branche de sorbier, mais le sang recommençait à circuler dans ses membres, elle se sentait presque heureuse et se mit à faire jouer ses petites mains brunes dans la clarté et à mimer sur le mur l’ombre d’une poursuite, La main poursuivie se faisait toute petite, décrivait des méandres serpentins et brusquement disparaissait, comme avalée par le mur, cependant que la main poursuivante, désorientée, se tournait de tous côtés, balançant l’ombre d’une tête qui était l’ombre d’un index et ne trouvant plus rien sur le mur que le clair de lune et la branche de sorbier.

« Mais il ne comprenait donc rien, cet homme-là ? Cet homme intelligent, il ne comprenait donc rien à rien ? Non, pas d’espoir, il ne comprendrait jamais rien. Il ne comprendrait jamais l’effort exténuant qu’elle soutenait chaque jour pour préserver les enfants des conséquences du drame qui dévastait leur existence à tous les deux, cet antagonisme total, irrémédiable, dont personne n’était responsable et les enfants, grands dieux ! moins que personne. Cet antagonisme qu’elle avait pressenti lorsqu’ils étaient fiancés, — mais à ce moment-là elle s’imaginait qu’il fallait imposer silence à l’instinct et n’écouter que