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Page:Ravaisson - De l’habitude, 1838.djvu/26

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raison inverse, comme l’action et la passion qu’elles représentent ; c’est une loi nécessaire[1].

L’effort est en quelque sorte le lieu d’équilibre où l’action et la passion, et par conséquent la perception et la sensation, se balancent l’une l’autre. C’est la limite commune de ces contraires, le moyen terme où se touchent ces extrêmes.

L’effort s’accomplit dans le tact. Le tact s’étend de l’extrémité de la passion à celle de l’action. Il en comprend dans son développement tous les degrés intermédiaires ; il en vérifie, à tous ces degrés, la loi de réciprocité.

Tant que les organes du tact sont hors de la sphère du mouvement volontaire, la sensation y règne seule. Elle y règne d’abord sous la forme presque exclusive de l’affection, du plaisir ou de la douleur. Le sujet qui l’éprouve s’en distingue à peine. Tout en est concentré en lui-même, et comme dans le fond obscur de son être. Telles sont les affections vagues qui se rapportent aux phénomènes internes de la vie végétale. Telles sont les sensations qui subsistent seules dans les organes mêmes de l’activité volontaire, quand la paralysie y a aboli le mouvement. Telles sont enfin, quoique déjà plus distinctes, les sensations de la chaleur et du froid. Ce sont des passions sur lesquelles l’intelligence n’a aucune prise, qui échappent à la mémoire, et que la volonté ne rappelle point[2].

Au contraire, dès que les organes du tact obéissent sans résistance à la volonté, c’est la perception qui règne seule. La sensation, la passion, a disparu, et dans le champ de l’étendue que parcourt et mesure le mouvement, tout est objet d’intelligence et de science.

Mais en même temps, et à mesure que la résistance s’évanouit,

  1. M. de Biran, Infl. de l’habit., p. 17 sqq.
  2. id. ibid.