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Page:Ravaisson - De l’habitude, 1838.djvu/37

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droits, en ses tendances, ses actes, ses idées, se transforme dans le temps et se dissémine dans l’espace.

Ce n’est donc pas une nécessité externe et de contrainte que celle de l’habitude, mais une nécessité d’attrait et de désir[1]. C’est bien une loi, que cette loi des membres[2], qui succède à la liberté de l’esprit. Mais cette loi est une loi de grâce. C’est la cause finale qui prédomine de plus en plus sur la cause efficiente et qui l’absorbe en soi. Et alors, en effet, la fin et le principe, le fait et la loi, se confondent dans la nécessité.


Or, maintenant, quelle est la différence entre les tendances engendrées par la continuité ou la répétition de l’acte, et ces tendances primitives qui constituent notre nature ? Quelle est la différence entre l’habitude et l’instinct ?

Comme l’habitude, l’instinct est une tendance à une fin, sans volonté et sans conscience distincte. Seulement l’instinct est plus irréfléchi, plus irrésistible, plus infaillible. L’habitude approche toujours davantage, sans y atteindre jamais peut-être, de la sûreté, de la nécessité, de la spontanéité parfaite de l’instinct. Entre l’habitude et l’instinct, entre l’habitude et la nature, la différence n’est donc que de degré, et cette différence peut être réduite et amoindrie jusqu’à l’infini.

Comme l’effort entre l’action et la passion, l’habitude est la commune limite, ou le terme moyen entre la volonté et la nature ; et c’est un moyen terme mobile, une limite qui se déplace sans cesse, et qui avance par un progrès insensible d’une extrémité à l’autre.

  1. Porterfield, Traité de l’Œil, II, 17.
  2. S. Paul, Epist. ad Rom., VII, 23 : Βλέπω δὲ ἕτερον νόμον ἐν τοῖς μέλεσί μου ἀντιστρατευόμενον τῷ νόμῳ τοῦ νοός μου..